Motivation/comportement:
Nos trois chevaux sont des chevaux de tête qui marchent mieux devant que derrière, où ils perdent vite le moral. Si nous les laissons marcher en liberté ils prennent souvent des initiatives, la plupart du temps bénéfiques à leur cheminement mais parfois problématiques pour nous! Fleur montre clairement qu’elle comprend ce qu’on attend d’elle ou quand on n’est pas content de son initiative, mais elle obéit…ou non!
Ont-ils l’air d’apprécier la randonnée? Difficile à dire; ils ont des moments d’entrain mais aussi des moments de lassitude. La sensibilité parfois excessive des pieds est quand même un problème pour eux – et pour nous. Ils gardent cependant leur réactivité face aux autres chevaux et s’arrêtent régulièrement pour bien observer le paysage.
Hévéa a enfin cessé de vouloir faire demi-tour à chaque arrêt!
L’apprentissage des rituels:
Relativement indisciplinés et agités au début de la randonnée, les chevaux connaissent à présent les rituels quotidiens: ils attendent l’ouverture de la clôture le matin pour manger l’herbe intacte autour; ils rentrent parfois d’eux-mêmes dans le parc le soir et apprécient d’être débarrassés des longes dans lesquelles ils s’entravent toute la journée; ils ne bougent plus quand nous les sellons; et Fleur a appris l’immobilité au montoir! Ils savent que nous ne voulons pas qu’ils s’arrêtent pour brouter pendant les temps de marche – mais ça, ce n’est pas toujours respecté et en particulier à partir de 17h00 le faim les tenaille: il faut commencer à chercher un endroit pour la nuit!
Profitons-en pour décrire une journée-type: nous nous levons en même temps que le soleil, vers 08h00 et il nous faut environ deux heures pour être prêts à partir (petit déjeuner; démontage de la clôture par Tim, de la tente par Nathalie; rééquilibrage des sacs et sellage). Nous marchons jusque vers 13h00, avec quelques pauses pour brouter et boire. Notre pause méridienne commence par le dé-sellage des trois chevaux et leur permet en principe de se rouler, de manger à satiété et de somnoler un peu. Vers 14h30 nous re-sellons et nous remettons en route, toujours avec deux ou trois pauses dans l’après-midi. Nous cherchons un lieu pour camper à partir de 17h30 (des fois nous ne trouvons rien d’acceptable avant 19h00): suffisamment d’herbe -non clôturée- pour les chevaux, un point d’eau sauf si l’herbe est bien mouillée par la pluie, un peu à l’écart des habitations et des troupeaux, et avec un coin à peu près plat mais non inondable pour la tente! Les cimetières sont souvent de bons repères. En général, Tim monte la clôture, Nathalie la tente; puis Tim se met en cuisine et Nathalie apporte soins et/ou massages aux chevaux. Le temps de manger, la nuit tombe. Il ne nous reste qu’à écrire le journal de bord pour le blog (et essayer de le mettre en ligne!). Il est souvent plus de 22h30 quand nous nous couchons. Dodo pour nous, mais les chevaux ont leur vie nocturne…
Facteurs influençant la vitesse de déplacement:
La texture du sol: dès qu’on est sur de l’herbe, les chevaux accélèrent spontanément; dès que le sol est inconfortable (pas forcément douloureux) pour eux, ils ralentissent. Ils ont appris à repérer les zones caillouteuse visuellement et anticiper l’inconfort d’un passage -avec quelques erreurs cependant. Devant ces zones, Vermeil bloque! Par contre ils ne repèrent pas les cailloux épars dans une zone herbeuse ou les gravillons sur la route. Où nous voyons les imperfections, eux ne fond pas le détail. À l’inverse, les gros obstacles sont très bien repérés et analysés, par exemple les éboulis (ils bloquent parfois devant, quand même, par anticipation de la difficulté).
La température ambiante: Ils sont très sensibles à la chaleur, qui les fatigue vite.
La pente:
Descente forte – ils n’aiment pas, clairement. Ils essaient de contourner.
Descente moyenne – bof! On avance mais on garde le frein enclenché!
Descente légère – Hévéa aime bien mais Fleur, des fois bof, des fois ça va.
Plat – ça va, surtout si le terrain est confortable.
Montée légère – un peu comme le plat. Ça dépend de l’équilibre global du cheval: Hévéa, qui est très «sur les épaules» a plus de difficulté que les deux autres qui utilisent plus l’arrière-main
Montée moyenne (régulière, par exemple bord de route) – le pire! S’essoufflent et s’ennuient.
Montée moyenne (sentier irrégulier avec des obstacles) – plutôt bien – Fleur aime bien. Ils sont concentrés sur les difficultés du parcours et ils restent motivés.
Montée raide – il n’aiment pas, surtout si ça dure longtemps.
Les pieds:
Les changements ont été très progressifs. Nous avons d’abord noté une desquamation des fourchettes qui se sont régénérées au fur et à mesure, prenant même de l’ampleur sur leur partie postérieure. Ce développement était associé à une usure des talons et donc une mise au contact plus importante des glomes avec le sol. Ce phénomène est plus net sur les postérieurs surtout depuis que nous sommes en montagne (freinage dans les descentes?). Le degré d’usure des parois sur l’avant du pied est relativement stable, bien que beaucoup plus prononcé sur les postérieurs d’Hévéa qui lève peu les pieds et les laisse frotter au sol.
Les photos de profil
montrent clairement que la paroi ne touche pas vraiment le sol et que les chevaux marchent sur la fourchette et la sole. La sole quant à elle a rapidement perdu les couches superficielles crayeuses et reste bien propre et lisse. Les barres sont à présent peu prononcées et il n’y a que chez Vermeil qu’elles ont peut-être posé problème sur le postérieur droit.
Pourquoi les difficultés avec les pieds, et pourquoi la disparité entre nos trois chevaux?
Nous ne nous réfèrerons pas aux chevaux maintenus en box, qui n’ont pas une vie normale, mais à ceux qui disposent en permanence d’un espace suffisant pour parcourir les douze à vingt kilomètres quotidiens associés à une vie naturelle.
Nos montures ont fait en moyenne 22km par jour, ce qui n’est pas beaucoup plus que la normale. Pourquoi ont-ils des difficultés?
Ils sont chargés : +/- 80kg* pour les deux montés, +/-30kg* pour le bât (*estimation)
Ce kilométrage est parcouru en six à sept heures donc sur un rythme plus intensif. Il faut aussi y ajouter la distance qu’ils parcourent la nuit!
Ce n’est pas eux qui choisissent le terrain/le parcours mais nous, avec de nombreux passages que spontanément ils auraient évités
Ce kilométrage ne rend pas compte du dénivelé des parcours: 20km sur du plat ça n’a rien à voir avec 20km en montagne. En 25 jours, selon le GPS, nos chevaux ont gravi à peu près 15 000m (15km, supérieur à 1,5 fois l’Everest!) et descendu 14 000m…
L’essentiel de notre itinéraire a été parcouru au pas, à la fois parce que beaucoup de chemins ne permettent pas d’aller plus vite et parce que le bât est une grosse contrainte (galop absolument pas indiqué). Or le pas est une allure qui «use» beaucoup plus les chevaux que le trot, à la fois physiquement et psychologiquement
La disparité entre Fleur qui reste la plus alerte, Hévéa qui récupère bien et Vermeil qui a du mal:
L’âge: les chevaux de moins de dix ans (Vermeil a 8 ans) sont bien moins endurants que ceux plus mûrs (Fleur a 11 ans et Hévéa, dont les 22 ans peuvent sembler impressionnants, n’est pas si vieille que ça quand on sait qu’un cheval vit naturellement une quarantaine d’années)
La qualité du sol pendant les premières années de vie conditionne vraisemblablement le développement du coussinet plantaire mais aussi la tolérance à la sensibilité des pieds. Fleur est née à Bruniquel (Tarn & Garonne) et Hévéa à Castelnau-Montratier (Lot), deux régions où le sol est bien caillouteux et bien dur l’été. Vermeil est né à Fenouillet (Haute Garonne) et a grandi sur des terrains plus souples
La génétique? Fleur et Hévéa sont des demi-sang arabes. Le père de Vermeil était un trotteur français, dont les trois autres produits ont aussi les pieds sensibles aux terrains durs
Fleur n’a jamais porté le bât qui, bien que moins lourd qu’un cavalier, représente une contrainte plus grande et permanente pour le cheval qui doit assurer l’équilibre de l’ensemble
Fleur a souvent eu la possibilité, quand nous restions à pied parce que le chemin était trop raide ou trop inconfortable, de choisir son propre passage car elle marchait en liberté, alors que les deux autres étaient tenus en longe.
Fleur est plus grande (longue, surtout) et fait des foulées plus allongées que les deux autres; nous estimons qu’elle a dû faire environ 5 à 10% de foulées en moins.
Les pieds sont donc le facteur limitant. Les postérieurs en l’occurence, peut-être parce que la corne pousse moins vite ou peut-être parce que les chevaux utilisent les postérieurs davantage dans un terrain montagneux. Les talons des postérieurs sont plus usés que ceux des antérieurs.
Le côté positif c’est que ça protège le système articulaire et tendineux: les membres sont bien secs. Pas de répercussions non plus sur le dos.
Aurions-nous pu améliorer la situation en utilisant des fers ou des hipposandales?
Avantages des fers:
- Plus de confort sur les terrains caillouteux.
- Plus d’accroche sur les pentes argileuses? Ne remplace pas, de tout façon, le savoir-faire et l’équilibre du cheval.
Inconvénients des fers:
- Surpoids en bout de membre donc effort musculaire plus important (1kg sous les pieds = 7kg sur le dos), donc consommation énergétique plus importante
- Risque de glissade sur roches et goudron avec risque augmenté de blessure
- Absence d’extéroception donc moins bonne gestion des passages difficiles – donc aussi risque augmenté de blessure
- Absence d’amortissement donc micro-traumatismes répétés sur les articulations et les tendons avec risque de blessures à long terme
- Obligation de trouver un maréchal-ferrant pour changer les fers – ils ne tiennent pas longtemps, et surtout pas 500km. Problème des cailloux qui se coincent dedans. Risque du fer qui se coince entre deux rochers et qui s’arrache, abîmant éventuellement le pied…
Avantages des hipposandales:
- Confort optimal sur terrain caillouteux
- On peut les enlever quand elles ne sont pas utiles
- Glissent nettement moins qu’un fer
- Pas besoin de maréchal-ferrant en route
Inconvénients des hipposandales:
- Surpoids plus important encore (une hipposandale pèse plus qu’un fer)
- Encombrement dans les sacoches
- Absence d’extéroception donc risque de faux-pas augmenté
- Moins bonne tenue au pied qu’un fer donc pas terrible dans les terrains difficiles et déconseillé aux allures vives
- Pour les utiliser au mieux, il faut les mettre et les enlever lors des changements de terrain donc, en terrain varié, il faut descendre et remonter du cheval souvent, ce qui finit par beaucoup fatiguer le cavalier qui finira par laisser tout le temps ou ne plus mettre du tout les sandales…
- Les chevaux n’ont pas l’occasion de s’habituer aux sensations des cailloux sous les pieds et ils restent très sensibles
- Risque d’un gravillon qui se coince dans la sandale et qui blesse le pied (mentionné dans le mode d’emploi!)
- Macération des pieds si on laisse les sandales longtemps (surtout avec toute la pluie que nous avons subie).
Donc réponse en ce qui nous concerne: trop de risques d’accidents ou de lésions avec les fers et même les hipposandales, nous préférons écourter notre randonnée si le confort de nos chevaux le nécessite.
Alimentation:
Aucun apport de notre part, sauf un peu de sel occasionnellement – ils travaillent plus et transpirent plus qu’à l’ordinaire. (Nous proposons du sel aussi pendant l’été quand il fait chaud et des blocs de minéraux en hiver). Les chevaux manifestent leur besoin en sel par la consommation de terre, ce qui ne pose pas de problème en petite quantité mais peut provoquer des coliques de stase en cas d’excès, surtout si le terrain est sablonneux.
L’eau est presque partout dans les montagnes mais n’est pas toujours accessible! C’est pour cela que nous avons emporté un seau pliable. La consommation d’eau varie énormément selon le temps, la température, et la qualité de l’herbe. Ils ont ainsi passé plusieurs jours à ne rien vouloir boire parce que l’herbe était bien verte et mouillée de pluie – et ils ont aussi uriné très souvent ces jours là! Par contre, quand ils ont soif, ils le manifestent par des déglutitions bruyantes et un intérêt manifeste pour les points d’eau (flaques, ruisseaux). Un jour, Vermeil nous a d’ailleurs semblé capable de repérer la Garonne à une centaine de mètres de distance.
L’herbe consommée en chemin et surtout durant la nuit est leur seule source d’énergie mais elle est suffisante. Le métabolisme de tous les chevaux est naturellement adapté à cela et l’apport de céréales ou de granulés (hydrates de carbone) ne fait que perturber cet équilibre (un peu comme chez nous où le sucre peut induire du diabète ou au contraire de l’hypoglycémie). Pour autant leur consommation d’herbe dans la journée est limitée par le temps que nous passons à marcher, même si nous nous arrêtons de temps en temps pour les laisser brouter. C’est donc la nuit qu’il leur faut compenser le manque de la journée, pourvu que nous leur trouvions un espace suffisamment enherbé. Heureusement que les chevaux dorment très peu…
La preuve pour nous que l’herbe suffit est qu’ils n’ont pas montré de fatigue excessive et n’ont pas beaucoup maigri. Leur silhouette a changé: ils ont perdu du ventre (contenu digestif + graisse), nous leur voyons très légèrement les côtes -surtout Hévéa-, ils se sont musclés, mais attention, ils n’ont pas pour autant la croupe ronde et le corps «gonflé» des chevaux nourris aux granulés.