Cet article a aussi été publié en anglais par l’auteur sur le site web the Equine Independent en juin 2013

Il doit y avoir quelque chose dans l’air en ce moment ; j’exposais récemment l’intérêt de différer l’entrainement d’un cheval sous la selle quand je suis tombé, la semaine dernière, sur un article du site web The Horse qui traitait des performances du cheval (de course) à 2, 3 et 5 ans et des lésions rencontrées.

L’objet de cet article n’avait pas alors grand intérêt, l’âge des chevaux si. Est-il raisonnable de monter des chevaux aussi immatures ?
Bien que n’ayant pas grand chose à voir, l’industrie des courses et l’amateur ont ceci en commun : le désir de transformer le plus tôt possible leur magnifique cheval en un magnifique cheval monté. Après tout, la plupart d’entre nous n’a pas envie de seulement regarder son cheval…
Il y beaucoup de motivation à démarrer tôt aussi. En dressage, il y a un âge minimum à partir duquel un cheval peut concourir ; selon le règlement de la FEI pour une compétition de dressage internationale, c’est six ans mais pour beaucoup d’évènements nationaux, les règles sont différentes avec un âge minimum qui est parfois seulement de trois. Et quand on considère les courses hippiques, l’âge est encore plus bas – les compétitions pour les deux ans sont banales, ce qui implique qu’ils soient sellés pour la première fois quand ils n’ont guère plus d’1 an ½.
Pour l’entraineur et le propriétaire professionnels, tout est une question d’argent. Souvent le cheval est – ou peut devenir – de grande valeur. Entretenir un cheval coûte de l’argent (ironiquement, pour les propriétaires de tels chevaux, ça ne représente souvent qu’une fraction de leurs gains) et il est naturel de désirer que le cheval paye son entretien dès que possible. Et pour finir, un cheval de course peut devenir étalon et rapporter encore plus de cette façon – de nos jours il n’est même plus besoin qu’il atteigne un âge respectable, avec la possibilité de congeler le sperme – mais la santé du cheval n’est jamais la considération première.
Qu’en est-il pour le simple mortel ? La plupart des propriétaires de chevaux seront d’accord qu’un cheval ne devrait pas être monté avant 4 ans. Un âge respectable, pourrait-on dire ; le cheval n’est manifestement plus un poulain et on attend de lui qu’il se développe en largeur plutôt qu’en hauteur. Cependant, les cartilages de croissance sont encore loin d’être fermés. Les derniers se fermeront quelque part entre 5ans ½ et huit ans – et ce sont précisément ces cartilages de croissance que l’on trouve dans le dos du cheval – pour chacune des 32 vertèbres concernées !

La plupart des cartilages de croissance sont placés transversalement à la direction selon laquelle s’exerce le poids – pensez aux grassets, boulets, épaules, etc… – et sont moins affectés par le portage d’un poids supplémentaire. Mais les cartilages dans le dos sont parallèles à la direction du poids, selon laquelle le dos est facilement étiré et peut donc souffrir sous le poids du cavalier.

Pour clarifier, voici l’ordre et l’âge approximatif auquel les cartilages de croissance se ferment :

  1. Avant la naissance
    métacarpiens – épiphyse† proximale
    2es phalanges – épiphyse distale
    phalanges proximales – épiphyse distale
  2. Autour de la naissance
    phalanges distales
  3. Vers trois mois
    fibulas – épiphyse distale
  4. 9 – 12 mois
    2es phalanges – épiphyse proximale
  5. 12 mois
    scapulas – tubérosité bicipitale‡
  6. 13 – 15 mois
    phalanges proximales – épiphyse proximale
  7. 15 – 18 mois
    humérus – épiphyse distale
    radius – épiphyse proximale
    métacarpiens – épiphyse distale
  8. 16 – 20 mois
    métatarsiens – épiphyse distale
  9. Avant 2 ans
    ulnas – extrémité distale (deux cartilages de croissance)
  10. 18 – 24 mois
    bassin – éléments constituant les cavités cotyloïdes
  11. 20 – 24 mois
    tibias – épiphyse distale
  12. 2 – 3 ans(?) variable
    fibulas – épiphyse proximale
  13. 3 ans
    scapulas – tubérosité de l’épine scapulaire‡
    calcanéus – tubérosité calcanéenne‡
  14. 3 – 3 ans ½
    humérus – épiphyse proximale
    fémurs – épiphyses proximale (deux cartilages de croissance) et distale
    tibias – épiphyse proximale
  15. 3 ans ½
    radius – épiphyse proximale
    ulnas – olécrane‡
  16.  2 – 4 ans
    fémurs – troisième trochanter‡
  17. 3 – 5 ans
    vertèbres* – processus accessoire et physe antérieure
  18. 4 – 5 ans
    vertèbres* – pointe du processus épineux
  19. 4 ans ½ – 5 ans
    bassin – l’ossification est complète
  20. au-delà de 5 ans
    vertèbres* – physe postérieure

* l’ossification des vertèbres est d’autant plus tardive que le cheval est grand et l’encolure longue ; pour les étalons, ajouter encore six mois : ceci signifie qu’un cheval « de sang » d’1m73 n’aura pas fini sa croissance avant 8 ans.
† l’extrémité des os longs est nommée épiphyse.
‡ ces centres d’ossification se trouvent dans des protubérances accolées à un os sur sa longueur et sont généralement un point d’attache musculaire, par exemple.

Bien sûr, il ne s’agit pas ici de dire que nous ne pouvons rien faire avec nos chevaux avant qu’ils aient huit ans, mais nous devrions certainement repenser nos programmes d’entrainement.

Pour les professionnels du cheval, le temps c’est de l’argent perdu – sauf que les considérations financières ne sont pas correctement prises en compte. Considérations peut-être pas très intéressantes pour le propriétaire d’un cheval de course – son animal n’est souvent guère plus qu’une usine à fric à rendement immédiat – mais assurément valables pour les propriétaires d’une écurie ou d’une école d’ équitation. Dans la plupart des pays d’Europe, l’âge moyen du cheval de club est horriblement bas et l’espérance de vie générale ne montre aucune corrélation avec ce qu’un cheval (en bonne santé) est censé atteindre . Si l’on se réfère à la taille de l’animal et à la taille et au rythme de son cœur, etc…, le cheval a une espérance de vie potentielle de 50 ans. De façon réaliste un peu moins, entre 40 et 43 ans. Mais un nombre terrifiant de chevaux sont passés en pertes et profits dès l’âge de 20 ans – imaginez que les gens soient considérés comme inutiles dès 38 ou 40 ans…
Jetez un coup d’oeil au tableau ci-dessous – et choisissez par vous-même laquelle des deux colonnes correspond le mieux à votre façon de penser :

Début de l’entrainement 3 ans 7 ans
Plein potentiel 7 ans 10 ans
Fin de la vie « utile » 18 ans 35 ans
Durée totale de la période de travail 15 ans? 25 ans

Juste en retardant de 3 ans le moment où nous commençons à monter dessus, nous pouvons gagner 10 ans de vie « utile ». Ca fait réfléchir…

 

◊ This document modified January 2016 to reflect the changes in Dr Bennett’s presentation and give clearer details of the ossification timeline.

Information sur les cartilages de croissance :  Timing and rate of skeletal maturation in corses, Dr Deb Bennett, 2008, d’après son étude originale publiée en 2001
Tableau « vie utile » : basé sur les observations de Pierre Enoff, ingénieur en bio-mécanique
Article original publié par l’auteur en Néerlandais : https://sabotslibres.eu/engagement/2013/06/08/leeftijd-bij-inrijden/