500 Kilomètres à cheval pieds nus

…les aventures de randonnée en France

Tout est bien qui finit à peu près bien…

La nuit n’a pas été aussi calme qu’espéré : des bruits d’agitation dans le paddock nous ont réveillés, Fleur avait perdu sa place d’interposition et Verlan chassait Vermeil. Pas envie de modifier le paddock à 3h00 du matin : nous avons mis sa longe à Verlan en espérant qu’il ne se blesserait pas avec (ce qui était toutefois peu probable sans point fixe au bout de cette corde); Fleur a pu reprendre sa position entre les deux et l’a gardée jusqu’au matin.

Les préparatifs du matin ont été rendu plus compliqués par l’obsession de Verlan à s’éloigner du campement, même après que Fleur eut été attachée pour éviter qu’elle ne le suive – Vermeil quant à lui restait collé à elle. Nous aurions pu attacher Verlan, mais 1) sa corde n’était pas assez longue, 2) nous ne connaissions pas ses réactions à l’attache et ne voulions pas prendre le risque qu’il “tire au renard”.

L’itinéraire était tout tracé puisque nous prenions à contre sens un parcours déjà pratiqué par Nathalie et ses filles il y a quelques années. Sauf que, les aléas déjà rencontrés à l’époque autour de Molières n’avaient pas été notifiés sur la carte… ni conservés en memoire ! Du coup nous nous sommes heurtés de nouveau au gué de Saint-Amans envahi par les ronces et au pont du Moulin du Py dont le tablier n’existe plus. Bref, contournements obligés par Campama pour l’un et le moulin de Cap d’Azé (très joli) pour l’autre. Quelques beaux galops plus loin, nous arrivons à Lacabrette, très beau hameau en pierre blanche, et abordons la descente vers la Lupte, dernière rivière à traverser avant Castelnau-Montratier. Plus que cinq kilomètres !

campement

La descente emprunte un chemin agricole bien enherbé, bordé de chaque côté d’une clôture en fil de fer, heureusement ni barbelé ni électrifié (sur cette zone là). Subitement, Tim arrête sa jument: il vient de se rendre compte que les fils de clôture ont été arrachés par le passage d’un véhicule en travers du chemin et sont emmêlés dans l’herbe haute. Fleur est en plein milieu, le fil de fer tendu entre ses pieds…et les deux autres chevaux sont déjà dedans aussi. Tim descend de cheval pour libérer les pieds de Fleur…les fils se tendent, tintent, et les trois chevaux paniquent et partent au grand galop dans la pente. En bas du pré, un fossé de deux mètres que Fleur franchit d’un bond en direction du verger mitoyen. Les deux autres chevaux galopent à sa suite. Vermeil est incontrôlable, Nathalie prend peur et se laisse tomber de son dos toujours au grand galop. En fait, au lieu de continuer tout droit, ils obliquent tous vers la droite et remontent à l’autre bout du pré, cassent les clôtures et s’échappent sur la route de crête hors de notre vue.

Pas de mal en ce qui nous concerne, mais il faut à présent remonter tout le pré et tenter de retrouver les chevaux. Sur la route, la première voiture qui arrive confirme que les trois sont partis à fond de train en direction de Saint-Paul-de-Loubressac. Le monsieur propose de nous embarquer et de suivre le trajet supposé des fugueurs. Une amie à lui patrouille sur les routes adjacentes avec sa propre voiture, car il y a plusieurs embranchements. Nous retrouvons la gourde de Tim écrasée sur le bitume (les selles de Fleur et Vermeil ont tourné sous leurs ventres dès le début de l’échappée). À Plaine de Rouges, question…ont-il continué la petite route en direction de Saint-Paul ou bifurqué à droite vers Montpezat-de-Quercy? La configuration du carrefour fait que la route de Montpezat nous semble plus probable, et nous enchaînons les kilomètres. Un véhicule venant en sens inverse nous confirme avoir croisé deux chevaux au grand galop. Et oui, ça y est, nous les voyons enfin : un jeune homme les tient par la bride sur le bas-côté, il les a arrêtés avec sa voiture et les ramène à sa ferme pour les mettre en sécurité. Fleur et Vermeil sont en sueur, Fleur a quelques blessures qui saignent un peu mais à première vue rien de grave. Problème : où est Verlan?

retour castelnau
Retour vers Castelnau-Montratier à pied

Nous commençons par prendre soins des deux rescapés : on enlève ce qui reste des selles et du matériel, on nettoie les blessures de Fleur pendant qu’ils boivent et commencent à brouter. Ils sont plutôt calmes, et les tremblements de Vermeil s’arrêtent assez rapidement. Il faut organiser la recherche du troisième fugitif : nous informons la gendarmerie (que personne parmi tous ceux qui ont vu ces chevaux en cavale n’a eu l’idée de prévenir ! ); nous appelons Simon, le fils de Nathalie, qui est à Mercuès et devait nous retrouver à Castelnau-Montratier, pour lui demander de patrouiller avec sa voiture.

Vermeil va bien mais Fleur tremble toujours. Ils ont parcouru 12km, des lésions musculaires sont à craindre, il nous semble judicieux de les faire marcher doucement pour évacuer l’acide lactique et les toxines : nous décidons de rentrer à pied à Castelnau-Montratier par le bord de route – à nouveau à peu près 10 km. L’échappée-belle a commencé autour de 13h35, il est maintenant 15h00. Vermeil est un peu raide au début mais retrouve rapidement une bonne démarche. Pour Fleur, c’est beaucoup plus difficile et douloureux : nous nous rendons compte qu’elle saigne sous un pied, l’abrasion sur le goudron a usé la corne jusqu’à la partie vivante sur un arc de cercle de 3cm. Nous protégeons tant bien que mal la plaie avec la capuche de la veste de Nathalie – mais comme nous n’avons pas tout à fait la tête sur les épaules, nous oublions le rouleau de “Scotch” gris dans une fonte toujours attachée à la selle de Vermeil, qui aurait permis d’améliorer considérablement le pansement… Il nous faudra plus que trois heures, beaucoup de persuasion et tout le courage de Fleur, pour rejoindre Castelnau.

Pendant ce temps, Simon a entrepris ses recherches, et contacté son père et sa sœur Amélie qui anticipent leur trajet depuis Toulouse pour venir nous prêter main forte. Verlan a été aperçu à proximité de Lacabrette, mais rien de précis. Il faudra attendre 18h00 pour qu’une personne, par hasard rencontrée et prévenue par Simon dans l’après-midi, découvre le fugitif dans un champ derriere chez lui, à trois kilomètres du lieu de l’escapade, et appelle la gendarmerie. Mis en contact, nous organisons le retour du cheval : Simon et sa cousine Irys partent l’attraper et le déseller, en attendant qu’Amélie et son père, qui viennent juste de passer Montauban, arrivent. Amélie le ramène à pied par la route, suivie par son père en voiture. Ils arrivent à Castelnau vers 19h30. Verlan va bien et retrouve avec plaisir ses copains Pim’s, le Shetland, et surtout l’âne Olive.
Ce n’est pas tout à fait terminé pour nous : Fleur n’est pas bien, les urines sont marron, elle est en hyperthermie et tachycardie et tremble comme une feuille : elle fait de la myoglobinurie. Nathalie n’a pas sous la main ce qu’il faut pour la soigner; il faut faire venir un confrère vétérinaire. Pas si simple ! Le cabinet de Castelnau-Montratier est fermé jusqu’au 3 mai et renvoie vers une clinique de Caussade. La dite clinique n’est pas habituée aux chevaux et préfère que nous contactions Négrepelisse. Là-bas, tous les vétos sont en visite et aucun n’est disponible, ne serait-ce que pour nous conseiller. Nous téléphonons donc au docteur Jean-Marc Oberdorff, de L’Isle-Jourdain, qui nous confirme le traitement à mettre en place, et nous rappelons la jeune véto de Caussade qui avait quand même proposé son aide au cas où personne d’autre ne serait disponible. Aiguillée par les conseils de Jean-Marc, elle a fait du très bon travail : perfusion de solutés (13 litres ! ), anti-inflammatoire, anti-biotique et diurétique. À son départ, Fleur va mieux, a uriné correctement et ne tremble quasiment plus. Nous avions auparavant bien nettoyé le pied et fait un vrai pansement.

Des coliques ou une fourbure étant toujours à craindre, nous nous relayons pour la faire marcher toutes les deux heures et demi pendant la nuit. Au matin son état est plutôt rassurant : elle mange, boit et se déplace même si c’est difficile.

Et ensuite ?

Fleur au pré

Samedi matin se passe à rechercher notre matériel perdu : sacoches, étriers… Tout sera récupéré, éparpillé dans un rayon de 200m dans le pré où a démarré l’incident. Il ne nous manque que la tente et les piquets de clôture mobile, qui étaient transportés par Verlan et donc perdus on ne sait où, ainsi que l’appareil photo de Tim – et donc les photos de vendredi matin. Par contre, les selles et le bât ont un peu souffert, il y a du travail de couture en perspective…

L’après-midi, retour à Fenouillet en van pour Fleur et Vermeil, qui voyagent très gentiment.

Depuis, nous surveillons la cicatrisation du pied blessé (postérieur gauche) mais aussi l’évolution du postérieur droit qui s’avère presqu’aussi douloureux et est bien mou en pince (la “pointe” du sabot) : une perforation peut encore se produire. Les deux postérieurs sont protégés par des compresses et un bandage, mais Fleur les tient “sous elle” pour soulager l’avant des pieds. À l’inverse, les deux antérieurs sont devenus douloureux dans leur partie arrière (glomes) et une fissuration est apparue sur le gauche. Cela traduit les efforts spécifiques subis par chaque pied au galop : la partie arrière des antérieurs réceptionne l’essentiel du poids du cheval; les postérieurs assurent la propulsion, majoritairement au niveau de la pince. Il est clair que Fleur a galopé pour beaucoup directement sur le macadam, en particulier les deux pieds gauches, tandis que Vermeil est resté sur le bas-côté : nous avons retrouvé le sillage de son passage dans les herbes. Ceci explique l’absence de répercussion clinique chez lui.

Nous continuons à faire marcher Fleur plusieurs fois par jour : dimanche était pas terrible, aujourd’hui lundi ça va un peu mieux.

Tout est bien qui finit à peu près bien…ç’aurait pu se terminer tellement plus mal !

Le parcours jusqu’à 13h35…

La course folle de Fleur et Vermeil

Total distance: 16.76 km
Total climbing: 455 m
Total descent: -399 m
Total time: 02:50:16
Total distance: 9.46 km
Total climbing: 131 m
Total descent: -144 m
Total time: 00:26:25

Le retour vers Castelnau-Montratier

Total distance: 10.16 km
Total climbing: 276 m
Total descent: -183 m
Total time: 03:18:39
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Anaïs & Cie
Anaïs & Cie
Invité
3 années il y a

Que de péripéties ! Contente que malgrès ces « aléas » humains et chevaux vont bien!! Bon retour a la maison, bonne récupération aux biepèdes et quadrupèdes

THAURONT
THAURONT
Invité
3 années il y a

L’histoire nous est contée …et nous avons presque la sensation d’être avec vous. Vos coeurs ont également dû être en tachycardie. Incroyable épopée! Vos chevaux sont de formidables aventuriers , fort heureusement leur échappée s’est bien passée . Du repos maintenant pour la récupération et les soins.
A bientôt .
Anne-Valérie

Liline
Liline
Invité
3 années il y a

Mais quel stress à la lecture de vos aventures.!!!! Je pense que tout le monde était heureux de rentrer au bercail. J’espère que vous allez tous vous remettre de vos émotions. Plein de bisous et merci de prendre le temps d’écrire aussi bien vos voyages à cheval afin que nous puissions en profiter

Cathy
Cathy
Invité
3 années il y a

Hé ben! quelle aventure…
L’essentiel c’est que vous alliez tous bien, 2 pattes et 4 pattes.
Bises

Olivia
Olivia
Invité
3 années il y a

Quelle histoire !!! Le suspens jusqu’au bout de la lecture ! Soignez bien ces guerriers et bon repos à vous aussi !
Olivia

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